Christopher est entré en contact avec moi, avant même l’ouverture de la boutique. Il avait une idée très précise de ce qu’il voulait mais ne savait pas le traduire en termes de matériel : un vélo de randonnée à la fois sportif et confortable sur la longue distance, discret et au caractère affirmé malgré tout. Le résultat fut un gravel monté à la carte par l’atelier Talbicyclette. En parfaite symbiose avec sa machine, Christopher s’est même lancé dans une épreuve cycliste longue distance : La Gravel Tro Breizh. Il nous raconte son expérience.
En quelques mots, peux-tu présenter ton vélo ?
C’est un gravel monté à la carte, par tes mains expertes, sur la base d’un Genesis Croix de Fer. Genesis est une marque anglaise, qui se distingue par des vélos et des couleurs sobres et élégants, et le recours à des matières « nobles » comme l’acier Reynolds notamment. Le modèle Croix de Fer est un classique de la randonnée à vélo, grâce à sa géométrie qui offre un grand confort.
Le cadre est en acier pour la robustesse et la souplesse. Il est équipé de roues DT Swiss C1800, typées cyclocross. Leur dynamisme compense le côté un peu plus « pépère » du cadre. La transmission s’appuie sur un groupe spécifique gravel : Shimano GRX monoplateau (40×42). Je ne regrette absolument par le choix du monoplateau. C’est très fluide et ludique à l’utilisation. Il est actuellement équipé en pneus Schwalbe G-One Bite de 45mm (c’est mon train de pneus hiver). Et bien sûr, les pneus sont montés en tubeless – indispensable pour rouler « serein » : une malheureuse crevaison à l’arrière en 1 an et 2 mois (dont une Gravel Tro Breizh). Bref, un super vélo, dont je suis d’ailleurs fan de la couleur cuivre-caramel. Bref, c’est une bécane de compét ! Merci Adrien !
Tu lui as fait subir un véritable crash-test lors de la Gravel Tro Breizh 2021, peux-tu nous parler de cette épreuve ?
La Gravel Tro Breizh est une aventure à vélo. C’est une épreuve de bikepacking ultra distance. En langage de moldus, cela signifie que c’est une longue randonnée sur un vélo qui embarque le matériel nécessaire au cycliste pour être autonome (outils, nourriture, vêtements, sac de couchage,…). L’épreuve se déroule sans assistance, sur un parcours imposé que tu dois suivre au mètre près (grâce à un GPS situé sur le guidon). Cette année, la GTB s’est déroulée tardivement en septembre (pour cause covid) sur presque 1300 kilomètres et 16 000 mètres de dénivelé. C’est une épreuve difficile, sur un parcours très exigeant. Niveau dénivelé, on a souvent l’impression d’enchainer les bosses les plus costaudes du coin qu’on traverse !
A la fin de l’épreuve, les mirettes sont saturées des merveilles qu’elles ont croisées.
Mais après l’effort, le réconfort ! La récompense vaut son pesant de cacahuètes. A la fin de l’épreuve, les mirettes sont saturées des merveilles qu’elles ont croisées. On parcourt des paysages grandioses, à des heures inhabituelles (très tôt le matin ou à la tombée de la nuit).
Pour toi c’était donc une première, comment as-tu vécu cette Gravel Tro Breizh ?
C’était top ! D’autant que mon père était également de la partie. Nous en reparlons toujours beaucoup. L’ambiance de la Gravel Tro Breizh est bon enfant et bienveillante. Elle t’accompagne du début à la fin. Je pensais rencontrer beaucoup de gars obnubilés par le matériel et en fait non ! L’approche était bien plus spirituelle.
Pour dire la vérité, je pense avoir vécu tellement de choses en si peu de temps que mon cerveau a fait un tri et n’a pas tout gardé. Je pense également que la fatigue et le manque de sommeil n’aide pas à enregistrer la quantité d’informations engrangées.
J’ai pris un plaisir particulier à découvrir tous ces paysages bretons. Le fait qu’ils se dévoilent comme une récompense leur donne une saveur toute différente. Je pense par exemple à la vue panoramique au sommet du Mont Saint Michel de Brasparts, sur lequel trône une petite chapelle en pierre. Pour y parvenir, il a fallu grimper un petit moment, par plus de 30 degrés, sous le soleil de midi ! Ou encore tous les kilomètres de côtes autour de la pointe de Corsen, point le plus à l’ouest du continent européen, qui vous donne une réelle sensation de pédaler au bout du monde.
Au niveau mécanique et logistique, ça s’est passé comment ?
En pré-requis, il faut un minimum de connaissances pour parer aux petits pépins mécaniques. C’est une certitude ! J’ai été chanceux, j’ai seulement cassé un câble de dérailleur. La prochaine fois, je monterai un câble neuf d’emblée sur le vélo. Il est important d’anticiper ce type de désagrément pour gagner en temps de repos et en sérénité ! Je conseille de partir avec une transmission la plus neuve possible (chaines et câbles a minima).
Le développement (le choix du plateau et des pignons), les vêtements pour rouler sec et chaud et le couchage sont d’autres points de vigilance hyper importants. Si l’un des trois fait défaut, il y a de fortes chances que la gare SNCF la plus proche soit votre prochaine destination !
Je pensais naïvement que mon développement de 40×42 suffirait. Erreur de débutant ! Il faut dire qu’au moment de la configuration du vélo, je n’envisageais pas faire ce type d’épreuve de si tôt. La Bretagne, ça grimpe dur, aussi bien dans les terres que sur la côte. J’ai tellement passé de temps en danseuse, pour avoir plus de force, que je pourrais me reconvertir dans le ballet ! Chaque année, des participants abandonnent à cause d’un développement trop difficile à emmener. Ensuite, les vêtements de pluie et le couchage vont permettre de mettre le corps dans les meilleures dispositions pour enchainer les journées sur le vélo. Les températures étant clémentes, j’avais opté pour une garde-robe restreinte (1 cuissard, 1 maillot merinos manches courtes, 1 maillot manches longues, 1 pantalon et 1 veste de pluie, 1 slip et 1 t-shirt pour la nuit).
La Bretagne, ça grimpe dur, aussi bien dans les terres que sur la côte !
Niveau poste de pilotage, j’ai apprécié le cintre évasé. Avoir les mains écartées en bas du guidon permet une position moins contrainte qu’avec un cintre classique de route, et un pilotage plus précis dans les parties techniques. Cela permet également de mieux respirer, en libérant la cage thoracique. Dernier atout du cintre évasé : il dégage plus d’espace pour installer une sacoche de guidon.
Le choix du tubeless s’est avéré idéal. 1280kms, aucune crevaison ! En bonus, le tubeless permet de baisser la pression des pneus pour plus de confort, d’amorti et d’accroche dans les parties techniques. J’étais entre 2,2 et 2,4 bars environ.
Le groupe GRX a bien fait son taf. Rien à lui reprocher. La chaine était lubrifiée à la cire. Contrairement à l’huile, la cire n’attrape pas les saletés, poussières, grains de sable,… Un coup de chiffon et elle est nickel ! La manipuler ne salit pas les doigts non plus. Efficace et silencieuse, il faut juste penser à en remettre chaque jour (voire 2 fois par jour).
Aussi, je dois remercier Fabien Roy et François Lizé, rencontrés à la boutique, qui m’ont pas mal aidé dans la prépa en partageant leurs conseils et expérience.
Tu dormais où pendant cette Gravel Tro Breizh ?
Pour la nuit, chacun sa stratégie. La première consiste à faire du bivouac (souvent sauvage), en s’arrêtant dans un endroit propice (sous des halles ou un porche d’église,…). Ça a le goût de l’aventure, mais c’est parfois bruyant voire venteux. La deuxième consiste à faire chauffer la carte bleue et s’offrir un toit et du confort (hôtel, B&B,…). Cette solution s’avère délicate parfois, notamment au milieu de la forêt de Huelgoat ! Airbnb n’existe pas encore chez les écureuils… La dernière solution est directement inspirée de l’émission « J’irai dormir chez vous » et consiste à aller frapper aux portes des habitants et demander un bout de toit (hangar, grange, véranda…). C’est cette dernière solution que nous avons préférée. Les bretons sont très accueillants. Certains s’excusant même de ne pas proposer mieux !
J’oubliais, une toute dernière alternative : ne pas dormir ! Celle-ci s’applique davantage aux performeurs/compétiteurs qu’aux randonneurs/épicuriens. Chacun son truc ! L’aventure a tellement à offrir qu’il est dommage de se focaliser sur le chrono.
Le sommeil est primordial sur ce type d’épreuve. Notamment parce qu’il faut rester attentif et alerte sur son vélo pour éviter l’accident. J’avais emporté un équipement léger, trop léger ! Un Bivy, un matelas gonflable et un sac à viande, rien de plus. La météo promettait des températures nocturnes autour de 11-12 degrés. Théoriquement, mon choix était cohérent. En pratique, c’était trop juste. Les nuits sont fraîches, encore plus en extérieur.
Et ton Genesis Croix de Fer dans tout ça ?
La Gravel Tro Breizh est une épreuve Gravel très engagée. Elle se pratique aussi bien en VTT qu’en gravel. Beaucoup de passages techniques, quelques pierriers (dont un de plusieurs kilomètres), des racines, des singles tracks accidentés… Ceci dit, le vélo s’est parfaitement comporté (malgré un développement un peu trop généreux). Une pression des pneus adaptée et des roues réactives, ont su me mettre en confiance dans les passages compliqués. Mon expérience limitée ne me permet pas de pousser l’analyse beaucoup plus loin.
Je dirais qu’au-delà du vélo, il ne faut pas négliger ni le choix du cuissard qui participe largement au confort, ni le choix de la selle, ni la position sur le vélo. De nombreux participants terminent avec des douleurs ou des gênes qui perdurent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après l’épreuve. Pour ma part, j’ai perdu beaucoup de force dans mes deux mains et cela a mis un bon mois à rentrer dans l’ordre. Je conseille vraiment d’optimiser son poste de pilotage et de le tester abondamment avant une épreuve de ce type (forme et dimension du guidon, choix de la potence, ajout d’un prolongateur,…). Et surtout, ne pas s’arrêter au poids si ça apporte du confort !
Et comment as-tu géré l’aspect bikepacking (éclairages, sacoches, électricité,…) ?
J’avais opté pour un éclairage « costaud » à l’avant, avec une bonne autonomie (Lezyne 1300XXL). Comme je roulais peu la nuit, je m’en suis principalement servi pour me rendre visible à l’aube et au crépuscule. J’avais emporté deux Powerbanks (10 000 et 5 000 mAh). Les lieux où j’étais accueilli était toujours équipés de prises électriques. Du coup, j’aurais presque pu m’en passer.
Il est indispensable de tester correctement la matériel. C’est encore plus vrai sur une épreuve engagée comme la GTB !
Pour les sacoches, j’avais opté pour un mix : Ortlieb (sacoche de selle), Zefal (sacoche de guidon) et Restrap (sacoche de cadre). Très satisfait du tout. Elles ont largement fait le job. Même si elles sont toutes imperméables, je conseille de ranger le matériel dans des sacs étanches par sécurité. Pour ne pas trop modifier le comportement du vélo, il est important de bien répartir le poids sur les différents sacs, voire d’en mettre davantage au milieu du cadre, là où il se fait le moins sentir. Bien entendu, il est indispensable de tester correctement la matériel en amont. C’est encore plus vrai sur une épreuve engagée comme la GTB ! Ça secoue pas mal et les sacoches sont mises à rude épreuve.
Pour conclure, quelles sont tes prochaines aventures à vélo ?
Peut-être la Gravel Tro Breizh 2022. Ou peut-être d’autres épreuves gravel moins techniques, pour découvrir de nouveaux terrains de jeu. Il parait que l’important c’est le chemin et non pas la destination. Du coup, je fais de chaque sortie l’occasion de découvrir de nouvelles traces, de nouveaux points de vue,… C’est déjà très bien pour le moment !